Quand le harcèlement policier t’emmène en prison

Trouvé sur le site du Daubé.

Mercredi 15 avril 2015

Briançon: rixe avec des policiers, prison ferme pour un seul prévenu

On s’est déjà fait contrôler d’autres jours et ça ne s’est jamais passé comme ça », remarque un des quatre prévenus, jugés en comparution immédiate, hier, devant le tribunal correctionnel de Gap, pour outrage, rébellion et violences. Un contrôle qui cette fois a dégénéré et qui a mené deux policiers briançonnais à l’hôpital, dimanche 12 avril. Dans la salle d’audience, l’un des deux fonctionnaires arbore une minerve, le second s’aide d’une béquille pour se déplacer. Face à eux, les quatre auteurs présumés des faits sont alignés dans le box des accusés. Leur visage juvénile trahit leur âge (18 à 20 ans), tout comme « leur impulsivité », relevée par le procureur de la République, Raphaël Balland, en préambule de ses réquisitions. Prise de parole sans y être invité, doigt levé pour réagir aux propos rapportés. S’ils « reconnaissent à 80 % les faits », les jeunes Briançonnais ne veulent plier. Ils sont victimes, selon eux, de contrôles intempestifs.
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Une interpellation qui tourne court

Leur présence dans cette impasse, située derrière la MJC de Briançon et voisine de l’école, lieu où se sont déroulés les faits, avait déjà fait l’objet de plusieurs inquiétudes… Nuisances sonores, jets de mégots… Les directeurs de l’école et de la MJC cherchaient même une solution pour occuper “ces anciens élèves”. Jusqu’alors, selon plusieurs témoignages, ils s’étaient toujours montrés polis. Jusqu’à ce dimanche après-midi où les policiers reçoivent un appel pour un rodéo de scooter, dans l’impasse en question. « Au début, l’intervention était courtoise, assure le brigadier-chef, une des deux victimes. Ils ont rattrapé le chien, baissé la musique. » Puis, une voiture rouge s’engage dans la rue en prenant le sens interdit. Les policiers décident de contrôler le conducteur qui descend, énervé. Le ton monte. « Il a dit “Vous commencez à casser les couilles de venir nous contrôler tous les jours”, rapporte le brigadier-chef. Et il a commencé à faire des doigts d’honneur aux CRS qui étaient à la fenêtre de leur bâtiment. J’ai finalement pris la décision de l’interpeller pour outrage. » Une interpellation qui tourne court. Le jeune homme se débat. Le policier prend un premier coup au visage, tombe au sol avant d’être de nouveau frappé. Il désigne plusieurs auteurs dont le principal, Christophe Boyer. Seulement, à la barre, ce dernier affirme qu’il n’y a que lui. « Les autres n’ont rien fait. » Une solidarité à toute épreuve, une « loyauté de voyou », assure M. le procureur lors de ses réquisitions, lequel s’interroge encore quant à la culpabilité des deux autres dans les coups portés aux deux policiers. Lors de son intervention, le second a pris un violent coup de pied dans le tibia.

Christophe Boyer est finalement embarqué au poste, cet après-midi-là. Il sera rejoint plus tard par ses trois autres camarades, accusés d’avoir jeté des pierres aux CRS, venus en renfort dans l’impasse. En garde à vue, deux des quatre jeunes Briançonnais, visiblement excédés, s’en prennent à leur geôle et arrachent le montant de la fenêtre.

« La tempe n’est pas loin du nez, ça aurait pu être plus grave »

Pour l’avocat de la partie civile, Me Philip, « les faits sont inadmissibles. On doit respecter les policiers même si on n’est pas en accord avec eux. »

De son côté, le procureur de la République s’inquiète de « voir qu’on en vienne, dans une ville comme Briançon, à péter le nez d’un policier […] La tempe n’est pas loin du nez, ça aurait pu être plus grave ». « Il faut que vous réfléchissiez à ce que vous venez de faire », demande le représentant du ministère public aux quatre prévenus.

Mais l’un des conseils de la défense, Me Martin, souligne des potentiels dysfonctionnements lors de l’enquête : « Je pense simplement qu’il y a un fond de vérité dans ce que disent ces jeunes. » Notamment sur le fait que « les policiers victimes sont entendus par leur collègue. Il y a forcément une subjectivité ».

Après plus de trois heures d’audience et une demi-heure de délibération, le tribunal a rendu sa décision. Christophe Boyer est condamné à six mois de prison dont trois avec sursis. Il a été écroué dans la foulée. Le conducteur de la voiture écope de six mois de prison avec sursis et mise à l’épreuve pendant deux ans. Tandis que les deux autres sont condamnés à six mois de prison avec sursis, assortis de 210 heures de travaux d’intérêt général.