Sur la lutte contre la THT (MAT) en Catalogne

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Le texte qui suit est l’extrait d’une conversation publiée dans la revue Aversión, n°10, ici traduite de l’espagnol. Ce texte revient sur plusieurs expériences personnelles distinctes vis-à-vis de l’opposition à la construction de la ligne MAT et, de fait, expose une vision partiale des choses. Des documents ont été ajoutés pour la présente édition.
Les sigles MAT et THT recouvrent exactement la même chose, à savoir les lignes à Très Haute Tension. MAT est le sigle en langue espagnole et catalane, THT en français. Les différences s’arrêtent là. On ne trouve pas ici de réflexion spécifique sur la THT en tant que telle, mais un retour sur la lutte contre son implantation , et sur comment elle s’est développée.
Pour un apport théorique spécifique, vous pouvez vous référer aux textes existants sur la production énergétique et l’importance de l’énergie dans le maintien du capitalisme en tant que système interconnecté, sur les mouvements antinucléaires1 et anti-industriels qui nous amènent vers des critiques anti-autoritaires en paroles et en actes.
Il n’y a pas de monde libre possible avec le nucléaire, qui garantit au capitalisme une production énergétique croissante et concentrée, tout en octroyant à l’État une autorité qui se voudrait indéfectible pour la gestion des nuisances et menaces qu’il impose à toutes et tous.
L’ économie capitaliste doit, pour se survivre à elle-même, sans cesse accélérer et augmenter les flux. D’où les travaux pour les structures de transports rapides , le transport d’électricité et le culte de l’instantanéité.
C’est pourquoi, s’en prendre aux lignes à Très Haute Tension, c’est s’attaquer à ce qui nous nuit directement, mais c’ est aussi s’attaquer aux rouages de l’économie. En effet, le pouvoir du capitalisme et de l’État sont aussi dans leurs infrastructures.
Pour reprendre nos vies en mains.

compilation de textes NO THT

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RTE, tu m’auras pas!

à propos de la lutte en cours contre la Très Haute Tension (THT), le nucléaire et son monde en Haute-Durance

Depuis quelques années des collectifs, l’association Avenir Haute Durance et des individus s’expriment, s’organisent contre les projets de lignes à Très Haute Tension dans la vallée entre Gap et Briançon. Réseau de Transport Électricité (RTE) prend le prétexte d’une rénovation du réseau pour largement augmenter sa capacité.
Deux lignes THT aériennes (225000V) seraient donc créées : une première entre le poste de transformation de Pont Sarrazin et un poste en construction dans la zone de Pralong à Embrun et une seconde entre le poste du barrage de Serre-Ponçon et le poste de l’Argentière-la-Bessée. L’ancienne ligne à 125000V disparaitrait et celles à 63000V sont en cours d’enfouissement partielle. Une ligne à 63000V va aussi être créée entre L’argentière et Briançon en bonne partie aérienne.
Ce que l’on peut retenir de ces projets, c’est que RTE cherche à densifier et à augmenter la capacité de sa toile en créant des connexions nationales et internationales. Ceci en vue de faciliter les échanges et la spéculation sur le marché européen de l’énergie. Un autre projet de lignes THT est prévu en Maurienne pour une nouvelle interconnexion avec l’Italie. Les projets touchant la Haute Durance pourront eux aussi être reliés à cette interconnexion ou alors directement à l’Italie par Montgenèvre, même si RTE s’en défend.
Ces interconnexions permettent d’améliorer les échanges entre les pays qui se vendent mutuellement de l’électricité sur un marché très spéculatif. Ce que l’on voit à l’échelle européenne, c’est la volonté de construire un grand marché unique de l’électricité. La France qui grâce à ses centrales nucléaires peut produire une énergie massive et constante exporte plus qu’elle n’importe, mais à besoin d’électricité durant les pics de consommations, en particulier dans des régions déficitaires en production comme les Alpes où la consommation augmente monstrueusement pendant la saison des sports d’hiver. Ce pic correspond à l’augmentation massive de la population et à la consommation des stations de skis (remonte pente, pompage pour la neige artificielle, etc..). De plus, Rte table sur une forte augmentation de la consommation dans la vallée de la Haute Durance. Cette estimation permettrait d’avoir une marge suffisante pour développer de nouveaux projets touristiques dans la vallée (plus de canons à neige, de nouveaux complexes touristiques sur Vars-Risoul, etc..). La question est de savoir, si le tourisme est vraiment bénéfique pour la vallée et ses habitants ou si cela est nocif? Le tourisme nous rend complètement dépendant du bon état de l’économie capitaliste. Peut-être est-il temps de développer une autonomie, de reprendre nos vies en main.
Lorsque l’on regarde la carte nationale du réseau de RTE, on remarque qu’il manque des grosses capacité de transports d’électricité de ce côté-ci des Écrins. Les projets de la Haute Durance et de la Maurienne permettront donc de boucler tout ça en reliant notamment les centrales nucléaires du Rhône comme Marcoule à l’Italie par la vallée de Suse, mais aussi de relier la PACA aux Alpes, en pensant notamment à la centrale à bois de Gardanne ou au projet nucléaire ITER à Cadarache.
De la présentation du projet à la Déclaration d’Utilité Publique, la plupart des collectifs et l’association Avenir Haute Durance revendiquaient l’enfouissement des lignes THT. Aujourd’hui le discours a en partie changé, alors que le projet de construction de lignes aériennes commence. On peut d’ailleurs s’interroger sur l’enfouissement de ces lignes. Comme on a pu le lire récemment , à propos de la nouvelle interconnexion à Très Haute Tension entre la France et l’Espagne, Valls rend hommage aux militants anti-THT qui ont permi que le projet soit enfoui? Victoire ou défaite? Lorsque l’on sait que du côté espagnol les lignes sont aériennes et que partout les luttes contres les projets capitalistes sont sévèrement réprimés par l’état. De plus, en aérien ou en souterrain, la question de la production et de la consommation d’électricité, en grande partie nucléaire, n’est pas posée.
L’autre question que pose les lignes THT enterrées comme aériennes est autour de la production de l’électricité et du modèle de société qui en découle. C’est par les infrastructures que le capitalisme et l’état étendent le contrôle sur nos vies, sur les rivières, les vallées, les fôrets. Toute chose doit être valorisée, tout est une marchandise.

Depuis décembre dernier, un collectif s’est formé autour de l’idée d’une manifestation contre les projets de lignes THT en Haute Durance, tout en les liant à la production d’électricité en général et au nucléaire en particulier. Ce dernier représente plus des deux-tiers de la production d’électricité en France. Cette manifestation a réuni 300 personnes et été suivi d’une assemblée. De cette assemblée est sortie des rencontres qui ont permis de relancer des collectifs locaux (Embrunais, pays des écrins, Guillestrois).
Depuis, des soirées ont été organisées avec des projections de films présentant d’autres luttes ( Remballe ton elek contre la THT et le nucléaire dans le Cotentin-maine, contre la THT en Catalogne, Poubelle la vie contre la poubelle nucléaire de Bure), une assemblée et un concert. L’objectif de ces soirées est d’avoir un moment de discussions et de rencontres dans la vallée, afin de pouvoir commencer à s’organiser, à se coordonner autour d’une assemblée horizontale contre les projets RTE, le nucléaire mais aussi contre le monde qui va avec.
Cette expression qui est reprise ces dernières années dans de nombreuses luttes, signifie qu’il y a une critique du monde qui produit et est produit par le projet, par l’infrastructure en question; que le problème ce n’est pas seulement la THT mais bien le monde qui découle des idéologies du progrès, de la marchandise et du contrôle.

Les assemblées de vallées pouvaient paraître parfois pas assez préparées, car on a souvent l’habitude des «réunions publiques». L’objectif de ces assemblées n’étaient pas seulement d’informer mais surtout de se retrouver, de discuter pour pouvoir s’organiser. L’assemblée horizontale, l’assemblée de coordination est un outil qui peut permettre de s’organiser de manière non-hiérarchique et directe, sans représentant afin de critiquer en paroles et en actes ce qui nous détruit, comme pour inventer des solidarités, des échanges hors du système marchand et étatique.
Beaucoup de propositions, de points de vues très différents, parfois divergents ont été exprimés lors de ces assemblées : être solidaire des personnes qui refusent les propositions de RTE, marcher le long du trajet, soutenir les initiatives locales de production d’électricité renouvelables, proposer une manifestation, appeler à une grève, bloquer les travaux… Reste maintenant à ce que ces idées continuent d’être mises en pratique, ce n’est qu’un début.
Autour de cette assemblée de vallée et des différents collectifs, différents outils ont été créés : des listes mails, un blog, un collectif imprimerie. Des liens se tissent de Briançon à Gap et au-delà. Des textes sont publiés, des livres, des brochures diffusés. Beaucoup portent l’adresse notht05@riseup.net comme une signature. Mais est-ce vraiment une signature? Cette adresse est un outil utilisé par différents individus, collectifs. Elle n’est pas l’expression d’une unité mais plutôt d’une multiplicité. L’expression “NO THT” se veut comme un clin d’œil à la lutte contre la Ligne à Grande Vitesse entre la France et l’Italie : le mouvement “NO TAV”. Le “No THT” doit appartenir à tous ou plutôt à personne. C’est l’expression de ceux et celles qui sont en lutte contre la THT et son monde, celles et ceux qui pensent que lutter permet d’en finir avec la résignation afin de se réappropriez sa vie.

Un-e de celleux contre la THT et bien plus!