Nous appelons à un rassemblement le vendredi 2 décembre devant la mairie de Briançon (vieille ville) à partir de 18h pour crier haut et fort NO TAV – NO THT.
Non au TGV, Ni ici ni ailleurs
A propos de la percée d’un tunnel ferroviaire sous le col du Montgenèvre et de la ligne à grande vitesse Marseille-Turin.
Note : les principales sources (dates, faits, déclarations ou chiffres) de ce texte proviennent des archives consultable sur le site du SETUMONT.
L’emprise de l’être humain sur son environnement ne cesse de s’accroître, conséquence d’une part de l’évolution démographique et d’autre part de projets favorisant les transports et l’exploitation des matières premières et des personnes. L’équivalent d’un département en terre agricole disparaît tout les sept ans sous le béton. En effet, les métropoles s’étalent et l’on construit sans cesse de nouveaux aéroports, de nouvelle lignes TGV ou autoroutes, des lignes à haute tension ou autres projets mutilateurs qui lardent de cicatrices les paysages. L’idéologie dominante reste sensiblement la même : produire plus, transporter plus et plus vite, au détriment des populations et de l’environnement.
Si au niveau « politique » un consensus s’est installé sur la nécessité de réaliser ces nouvelles infrastructures, les décideurs ne s’en heurtent pas moins aux résistances des populations locales. Les exemples ne manquent pas et les pratiques sont diverses. On peut citer le projet d’aéroport de Notre dame Des landes, près de Nantes, où près de 2000 Ha de terres agricoles bocagères sont menacées. Les habitants sont en lutte contre ce monstre de béton depuis une quarantaine d’années, et cette lutte prend différentes formes : recours légaux, occupation illégale du terrain, sabotage, saccage de locaux, pressions sur les entreprises devant réaliser les études ou les travaux…
D’une manière analogue, les habitants du Val de Suse, une région proche de Turin en Italie combattent le projet de ligne LGV Lyon-Turin. Ce mouvement appelé No TAV (Non au TGV) prend ses racines dans les années 1990. Aujourd’hui, les opposants organisent des assauts contre le chantier qui a déjà commencé. Conscient de l’ampleur de la résistance, le gouvernement italien a décidé de militariser la zone et de protéger les travaux à l’aide de barbelés ou de murs en bétons. D’autres luttes existent, actuelles ou révolues, victorieuses ou non, comme celles contres les centrales nucléaires de Ploggof ou de Carnet, l’autoroute de Khimki en Russie, contre les lignes THT, l’exploitation des gaz de schistes, …
Souvent, il arrive qu’un projet fasse son apparition, disparaisse pendant des années, réapparaisse, soit contesté, annulé ensuite puis… qu’il revienne sous une autre forme. C’est le cas de la percée du tunnel du Montgenèvre, dans le département des Hautes Alpes, dont les origines remontent aux années 1860.
Genèse du projet
L’idée d’une percée sous le Montgenèvre est évoquée dès 1861 par un député haut alpin qui demandait la réalisation d’une ligne ferroviaire reliant Marseille à Turin. Une vingtaine d’année plus tard, la ligne arrive jusqu’à Briançon. Largement soutenu par les élus locaux, le projet de tunnel est suspendu pendant les deux guerres puis est inscrit dans le traité de paix franco-italien en 1947.
Mis entre parenthèse pendant quelques années, ce projet refait son apparition dans les années 70, avec cette fois ci la volonté de réaliser une autoroute, l’A51, reliant Fos sur mer à Turin. Les habitants manifestent leur hostilité à cette nouvelle tentative et obtiennent le classement de la vallée de la Clarée, concernée par la percée du tunnel, ce qui empêche l’autoroute de traverser les montagnes. Emilie Carles, institutrice dans la région, relate cette lutte dans son autobiographie «Une soupe aux herbes sauvages». Elle déclare notamment : «Cette déviation s’ajoutera au reste, à la voie express et à la voie ferrée elle aussi prévue. Notre vallée ne sera plus qu’un immense couloir de béton, avec le bruit, l’odeur et la pollution. La Clarée deviendra comme la vallée de la Maurienne, un endroit mort où le feuillage est détruit, les moutons obligés de s’en aller ailleurs. C’est ça qu’ils doivent se mettre dans la tête, cette autoroute et tout ce qui va avec, ce n’est pas conçu pour le bien du village et pour le bien des paysans.». L’autoroute A51 arrivera néanmoins en 1999 jusqu’à La Saulce, près de Gap. Le nouveau tracé doit continuer jusqu’à Grenoble et est réalisé morceaux par morceaux. Il est encore la cible de contestations, que ce soit dans la vallée de Trièves ou ailleurs. Mis de côté pendant quelques années, les dirigeants semblent s’y intéresser de nouveau.
C’est en 1983 que la percée ferroviaire sous le Montgenèvre refait son apparition, quand la commune de Briançon met la main sur les anciennes études de la SNCF. En 1988 est créé le SETUMONT, le syndicat mixte chargé des études sur la percée du tunnel. Il regroupe les communes traversées par le projet de ligne TGV, ainsi que les régions et CCI françaises et italiennes. S’ensuivent plusieurs études, puis une conférence franco-italienne valide le projet de percée sous le Montgenèvre comme complément à l’axe Lyon-Turin en 1999.
Le 15 janvier 2010, les collectivités ont alloué une enveloppe de 20 M€ pour les études de faisabilité économique et technique du projet de tunnel ferroviaire du Montgenèvre. Le 23 octobre 2012 a été présenté les différents tracés possibles. La commission du débat public devrait être saisie courant 2013, et les élus espèrent commencer les travaux rapidement pour une mise en service en 2020. Le tracé le plus probable pour le tunnel serait de Briançon à Oulx. La ligne LGV traverserait le Val de Durance et le Val de Suse. Même si, comme disent les élus, « le premier coup de pioche est encore loin », nous ne pouvons pas attendre le début des expropriations ou du chantier pour nous y opposer.
Contre la ligne LGV et son monde
Les arguments des décideurs pour cette nouvelle ligne à grande vitesse sont sensiblement les mêmes que ceux pour le Lyon-Turin. Le désenclavement est souvent évoqué : non pas que ces vallées soient inaccessibles pour les personnes, mais elles représentent un obstacle pour les flux de marchandises qui vont de Lisbonne à Kiev. Les montagnes n’empêchent pas nos déplacements alors que voies ferrées et autoroutes quadrillent l’espace de lignes infranchissables.
De la même manière, les élus démontrent à l’aide d’une logique imparable que le fret permettrait de résoudre les problèmes posés par les poids lourds, alors que le col du Montgenèvre leur est interdit. Leurs études tablent sur 100 trains par jour, c’est à dire un TGV tout les quart d’heure. C’est à se demander si l’on ne préfère pas les camions. Néanmoins la question n’est pas de savoir quelle est la meilleure manière pour transporter des marchandises. Il s’agit de remettre en cause nos modèles de production et de consommation, ce qui constitue apparemment une tâche plus ardue que le simple fait de transformer les montagnes en gruyère.
Un autre de leur argument est celui du tourisme, fortement lié à l’économie locale. Ce discours intervient au moment ou il apparaît que l’or blanc n’est plus qu’un lointain mirage. Les montagnes sont parsemées d’édifices standardisés pour des vacances standards, enfin pour qui peut s’en donner les moyens. Mais les stations de sports d’hiver font faillite les unes après les autres, et l’on peut s’interroger sur les conséquences de plusieurs années de travaux dans la vallée pour le tourisme tant vanté. En plus du désastre écologique certain que représente la réalisation de cette ligne à grande vitesse, il faut y ajouter la construction d’une nouvelle ligne électrique à Très Haute Tension qui mordrait sur les Écrins, ainsi qu’un permis de recherche de gaz de schiste récemment découvert qui concerne le département des Hautes-Alpes. Certains initiateurs du projet de tunnel envisagent déjà un gazoduc qui emprunterait le tunnel.
La notion de vitesse n’est pas exempte de critique. Les déplacements rapides ne sont utiles que dans un monde où la vitesse prédomine et où notre quotidien n’est plus qu’une succession d’immédiateté. Ce monde convient à des personnes pressées qui croulent sous le poids des contraintes, et qui si elles pouvaient l’éviter voyageraient d’une toute autre manière.
« Le seul intérêt général qui mérite d’être discuté en cette fin de siècle, c’est de tenter de mettre un terme au saccage de la vie, et non de gagner quelques dizaines de minutes pour passer la vallée du Rhône. Quant à la seule croissance qui mérite qu’on s’y arrête, c’est celle, qualitative, de l’existence humaine, la seule qui permette de sortir de cette obscure préhistoire économique. » Alliance pour l’opposition à toutes les nuisances, 1991
Des personnes s’opposent à des projets destructeurs dans de nombreux endroits. Trop souvent la défense du territoire prime sur l’idéologie à combattre ; parfois, des composantes de l’opposition proposent ou soutiennent des projets « alternatifs », « moins coûteux », qui épargnerait leurs maisons mais sacrifierait celles des autres. Ces positions sont blessantes pour celles et ceux qui luttent, ici ou ailleurs. Au delà d’une lutte contre un projet d’aéroport ou une ligne à grande vitesse, il s’agit de brèches qui s’ouvrent dans un monde que nous voulons voir s’effondrer.
Ni ici, ni ailleurs!
Leurs projets ne sont pas les nôtres!
Non aux projets de LGV Marseille-Turin, à la poursuite de l’A51, à la ligne THT Haute-Durance. Non à tous les autres.